Article du journal ‘Le Monde’ du 19 mars 2015

Un calendrier laïc pour l’intégration par les prénoms : Michel, Enzo, Mamadou, Yasmine…

Il est de tradition de dédier la plupart des jours de l’année à la fête d’un saint ou d’une sainte catholique : racines chrétiennes obligent. Mais cette tradition est aujourd’hui ébranlée car deux situations différentes coexistent : un calendrier privé, celui d’Exacompta par exemple, continue de mentionner les saints ou saintes de chaque jour alors qu’un calendrier public, celui de La Poste par exemple, n’indique que les prénoms à fêter, sans mentionner St ou Ste, neutralité laïque bienvenue ; mais il est à noter que le calendrier des pompiers de Paris, lui, mentionne toujours les saints et saintes ! De même dans les journaux télévisés, à la fin de la rubrique météo : d’un côté les présentateurs des chaînes privées annoncent toujours le saint ou la sainte du jour, c’est leur droit ; par contre, sur les chaînes de télévision publique, le présentateur météo n’annonce plus le saint du jour mais simplement le prénom à fêter, là aussi neutralité laïque bienvenue.

 

Mais du point de vue de la laïcité la situation n’est pas pour autant satisfaisante : même sans mentions St ou Ste, la liste des prénoms du calendrier officiel reste limitée aux prénoms ayant été portés par des saints ou saintes célébrés par la chrétienté. Les prénoms n’ayant pas été portés par un saint ou une sainte ne peuvent toujours pas figurer sur les calendriers en usage dans la République française ! Ces prénoms de seconde zone sont simplement rattachés, de manière souvent arbitraire, à un prénom du calendrier, seul à voir sa fête affichée.

 

Puisque l’égalité des citoyens est une des bases de la République, il n’est pas admissible que nos concitoyens qui portent en très grand nombre des prénoms n’ayant jamais été portés par un saint ne puissent être fêtés comme les autres ! Il y a en effet les Français qui portent des prénoms régionaux ou européens, ou bien qui ont eu des parents originaux très imaginatifs, et il y a les enfants de l’immigration : aucun de ces citoyens ne peut se voir célébrer sa « fête » ! Ils peuvent alors se sentir sinon rejetés, au moins ignorés par la « famille républicaine ». Ce qui n’est pas la meilleure manière d’inciter ceux de ces enfants « non-fêtés » vivant dans un ghetto à se sentir français à part entière !

 

Qui devrait décider des prénoms devant figurer sur un calendrier laïc ? Quand il y a quelques années, on discutait pour savoir quel jour ne devait plus être férié, l’Eglise de France avait admis qu’elle n’était pas propriétaire du calendrier. Dont acte ! Ce qui signifie, a priori, que c’est au Ministère de l’Intérieur que l’on pourrait demander de modifier le calendrier pour laïciser les prénoms.

 

Pour choisir les prénoms devant figurer sur un calendrier laïc, il faudrait utiliser une procédure tout à fait transparente : utiliser la liste établie chaque année par l’INSEE qui classe par ordre de fréquence les prénoms enregistrés par les services d’état-civil. Parmi les plus fréquents de ces dernières années figureraient alors des prénoms européens comme Erwan, Emma, Enzo, Zoé etc. ainsi que pour l’immigration non européenne, Anissa, Mamadou, Mohamed, Yasmine etc.

 

Cette « fête » des prénoms de l’immigration serait peut-être un facteur symbolique d’intégration pour retenir les candidats au djihad et dissuader les caillasseurs de pompiers si les calendriers de ces derniers mentionnaient leurs prénoms.

 

Les nouveaux prénoms fêtés remplaceraient avantageusement ceux de saints ou saintes oubliés comme Mélaine (6 janvier), Paterne (15 avril), Silvère (20 juin), Thècle (24 septembre), Sidoine (14 novembre) etc. que personne n’a plus envie de fêter depuis longtemps.

 

Certes, la plupart des prénoms les plus portés du calendrier officiel continueront à avoir été portés en leur temps par des saints et des saintes : les traces des racines chrétiennes resteront longtemps présentes. Mais cette présence de prénoms d’origine chrétienne au calendrier républicain ne serait plus alors l’expression d’un « communautarisme exclusif » dépassé, mais démocratiquement le résultat des goûts majoritaires des citoyens déclarant leurs enfants à l’état-civil.

 

Les racines chrétiennes ainsi respectées, la gestion publique des prénoms du calendrier, organisée suivant une laïcité accueillante, confirmerait l’égalité entre les Français, tous admis à une fraternité festive officielle et serait une mesure d’intégration symbolique peu coûteuse pour lutter contre l’apartheid.

Claude Chiaramonti, Paris